• LUIS MANUEL OTERO ALCÁNTARA •

L’artiste et son oeuvre

Luis Manuel Otero Alcantara est sans aucun doute l’un des artistes les plus controversés de la scène cubaine contemporaine. Aidé par sa formation autodidacte, il s’est intéressé à développer un espace de créativité alternative. Parmi ses pratiques les plus remarquables, on peut évoquer le processus de construction d’une œuvre non seulement focalisée sur le résultat final mais bien sur la production et le processus en tant que partie la plus importante de la pratique de l’art.

Les sujets qui le préoccupent se matérialisent sous différentes formes telles que la performance, le net art, le dessin, l’intervention urbaine et d’autres formes plus associées au geste artistique, où les frontières des genres sont transgressées.

Son travail implique une critique sociale et politique, teintée d’ironie. L’artiste intervient dans l’espace public sans craindre de défier les réglementations, celles qui étaient, autrefois, intrinsèques à la création artistique cubaine. Parmi les projets qui méritent d’être mentionnés, on peut citer #00Bienal projet alternatif indépendant présenté en parallèle de la Biennale de La Havane.

Cette Biennale, qui s’est tenue du 5 au 15 mai 2018, avait pour slogan « Dans chaque atelier une Biennale », et avait pour principal objectif de promouvoir un éventail de réalités différentes, observées dans l’art. Cet événement a donné de la visibilité aux artistes qui ne connaissaient pas l’institution et a généré une réflexion sur le dessein originel de la Biennale de La Havane, qui proposait de mettre l’accent sur les pratiques du prétendu tiers-monde et d’autres espaces non privilégiés.

Journal de l’Été indien (28 septembre – 8 octobre 2016) a constitué une documentation audiovisuelle réalisée quotidiennement et dont le but était de faire reconnaître la créativité comme un élément intégral du dialogue interculturel. Il devenait alors un argument à prendre en compte dans l’évaluation des demandes de visa pour visiter le Canada. « Journal de l’Été indien » est en fait une tentative de « sublimer » le double refus de visa temporaire subi par l’artiste Otero Alcántara pour participer à des résidences au Canada.

Pour sa part, le Musée de la Dissidence de Cuba est une plateforme déployée en ligne qui est aussi projetée de différentes manières dans des contextes réels. Partant du concept de Dissidence défini dans le Dictionnaire de l’Académie Royale, le musée propose un voyage à travers l’histoire de Cuba, de la colonisation à l’époque contemporaine, en regroupant sous le même terme toutes les personnes, organisations ou événements qui, d’une manière ou d’une autre, se sont opposés au pouvoir à Cuba. Une part importante de la mission du Musée est d’offrir des espaces de dialogue et de création artistique – expositions, programmes publics, blog, publications – qui transgressent les limites de la société cubaine. Bienvenue à Yumas (2015), plus connue sous le nom de Miss Biennale, était une performance de l’artiste durant laquelle ce dernier se travestissait en ballerine dansant aux fameux Cabaret Tropicana. Durant un mois, lors de la 12e Biennale de La Havane, il intervenait avec cette image à travers les espaces dédiés à l’exposition. La performance s’est déroulée pendant les journées d’ouverture, dans le but d’interagir avec le plus grand nombre de spectateurs possible. Une partie importante de ce geste était de remettre une carte de visite où les données personnelles et fictives du personnage, celui de la ballerine, s’y trouvaient. La charité nous unit est une œuvre réalisée en collaboration avec la photographe américaine Tania Lucía Bernard. Elle appartient à la série Avec tous et pour le bien de quelques-uns (2012-2013). Il s’agit d’une action performative simulant un pèlerinage religieux de La Havane à Santiago de Cuba. L’itinéraire est réalisé en transportant, à l’aide d’une brouette artisanale, une représentation de la vierge de la Charité du cuivre faite en papier mâché. Des lettres de pétitions étaient conservées à l’intérieur de l’icône religieuse qui fonctionnait comme une grande boîte aux lettres. Des aumônes y étaient aussi déposées par des visiteurs qu’ils soient fidèles de la Vierge ou non. De ce fait, toutes ces interactions faisaient partie intégrante de l’œuvre. À la fin du pèlerinage, les lettres étaient déposées à l’église du Cuivre puis de l’argent était remis à une famille de Santiago, touchée par le cyclone Sandi. D’innombrables rebondissements ont surgi tout au long du voyage qui s’est abruptement terminé dans la ville de Ciego de Ávila avec l’arrestation de l’artiste et la confiscation de tout ce qui était relié à la performance (la vierge, l’argent, les lettres et le reste) par les autorités politiques et religieuses de cette ville.

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