• JORGE OTERO •

L’artiste et son oeuvre

Jorge Otero est peut-être l’un des photographes cubains à avoir eu le privilège d’être le plus exposé au niveau international au sein de ce qu’on nomme la « non avant-garde ». Sa lentille dépasse le plan purement photographique pour transgresser les disciplines déjà établies, transformant en objet sculptural les images et ce à partir d’une vision transgressive des stéréotypes communs.

Le guajiro (qu’on pourrait traduire par paysan), archétype cubain, est l’une des représentations iconographiques les plus récurrentes de ses œuvres. Cette identité se transfigure en de nouvelles valeurs, s’éloignant de la sursaturation qui s’exerce sur son image et du vide de sens qui perdure aujourd’hui. Dans le Cuba contemporain, personne ne prétend ni ne veut être considéré comme guajiro, en particulier les jeunes. Selon Jorge Otero :

« Il est facile d’utiliser la figure du paysan, tout autant que le rhum et le tabac, pour représenter le natif cubain. Quant à savoir pourquoi le guajiro, je dirais que son utilisation dans mon travail est un geste lui-même plein de connotations. Cette charge sémantique acquise lui donne un poids qui peut, dans mon travail, jouer en ma faveur. Je le comprends presque comme un ready-made. Mes paysans sont élégants, minimalistes, proches de l’esthétique publicitaire, « light », ce qui leur donne une dimension actuelle, ce qui caractérise presque toute ma production. »

Dans ses œuvres, Jorge Otero explore une esthétique très particulière en prenant comme thèmes la créativité sociale, le patrimoine vivant, la tradition, la culture populaire et la culture de survie dans les circonstances actuelles. On peut décrire ce qu’est un guajiro par cette formule : dimension actuelle + icône universelle du cubain, la vieille maxime de l’art étant locale pour devenir universelle. La série War Hero (Héros de guerre) joue avec l’origine étymologique du mot et nous donne à voir des corps reliés par la thématique de la nudité, le corps nu étant un terrain inépuisable de symboles. Le corps masculin, canon classique, proche de la perfection grecque est sa muse et son inspiration. Les corps nus, qui font allusion à notre grand vêtement qu’est notre peau, que nous abrions par tabou, nous sont montrés à répétition dans les œuvres.

Autre préoccupation de Jorge Otero est le travail avec les textures et avec leurs répercussions visuelles. L’impression numérique Sans titre, tissée à la main, joue avec les concepts de sérialité et d’unicité, si importants pour la pratique artistique. Tisser est un art, une libération qui établit un discours du changement et un geste qui contient des significations critiques sur la productivité.

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